Les Charbonniers indécis

L’association des Charbonniers du Fleckenstein travaille à un espace de médiation qui pourrait voir le jour au pied du château de Fleckenstein d’ici 2025. Un projet qui perdrait de sa saveur et pourrait même être compromis, si la préfecture maintient son interdiction de faire fumer les meules l’été.

 

Le projet d’espace de médiation sur le charbon de bois devrait, si l’association n’y renonce pas,
voir le jour entre la statue et la hutte du charbonnier, au pied du château de Fleckenstein.

L’idée de créer un espace de médiation dédié au charbon de bois et au charbonnier dans le monde est née grâce à l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) tourisme lancé par la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) en 2023. Cet espace pédagogique et touristique, visant à créer une nouvelle offre touristique sur le site, compléterait le sentier des Charbonniers qui relie le parking du Fleckenstein au P’tit Fleck et la Semaine des charbonniers qui se déroule chaque été sur l’aire située au pied du château fort.

Une grande hutte de charbonnier

Le projet prévoit la construction d’un bâtiment circulaire de onze côtés un peu décentré, en bois et en grès, qui ressemblerait à une grande hutte de charbonnier d’un diamètre d’environ dix mètres, accessible gratuitement aux mêmes horaires que le site du Fleckenstein. À l’intérieur, un petit amphithéâtre d’une quarantaine de places permettrait d’accueillir des classes et des groupes « dans de bonnes conditions », selon Charles Schlosser, président de l’association des Charbonniers du Fleckenstein, porteuse du projet et cheville ouvrière de ce nouvel espace qu’il considère comme la continuité de son livre Le Charbonnier : une longue histoire , paru en 2021.

L’espace d’exposition montrerait des outils, des photos et des tableaux présentant le charbon de bois, son processus de fabrication, ses usages, son avenir et la vie des charbonniers. « Les gens ont oublié que sans le charbon de bois, il n’y aurait pas eu de développement industriel avec les forges et les aciéries », a constaté Charles Schlosser.

Le charbon de bois était utilisé pour « purifier l’eau potable, lutter contre les maux de ventre des enfants et contre l’humidité ». Pour ce dernier point, l’ancien maire de Lembach se souvient que quelques morceaux étaient glissés entre les lambris et le mur en grès de l’église protestante de la commune.

Un budget de 180 000 euros TTC

Si le charbon de bois est actuellement décrié comme combustible, il bénéficie toujours de débouchés. Par exemple, l’entreprise Vicat du groupe Soler l’incorpore au ciment pour diminuer la part de clinker, ingrédient du ciment résultant d’une cuisson à très haute température. « Et en Afrique, il est toujours utilisé par les ménagères pour cuisiner, poursuit Charles Schlosser. Tout cela, on veut l’expliquer, pour que le charbon de bois ne soit pas réduit à un matériau pour faire les barbecues. »

Le budget de ce projet, estimé à 180 000 euros TTC, est presque bouclé. La CEA a réservé 75 000 euros, le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT) Massif des Vosges a accordé 30 000 euros, les Charbonniers contribueraient à hauteur de 20 %, soit 37 000 euros. Pour les 40 000 euros restant, l’association attend encore les réponses du Groupe d’action locale, qui attribue les fonds Leader, et de la communauté de communes Sauer-Pechelbronn. La Ville de Lembach apporterait son soutien en fournissant le bois local, hêtre et douglas, qui servira à bâtir la structure. L’architecte du Parc naturel régional des Vosges du Nord a dessiné les esquisses

Le projet dépendra de la décision de la préfecture

« Toutes les réactions étaient unanimement positives. Et ça fait plaisir d’être soutenus par la CEA à hauteur de 75 000 euros », se réjouit Charles Schlosser. Tous les voyants sont donc au vert. Et pourtant ! Face à l’interdiction préfectorale l’an dernier , se basant sur un arrêté datant de 2009, d’allumer des feux à moins de 200 mètres des forêts du 15 mars au 15 octobre, interdiction que conteste formellement l’association qui dit ne pas faire de feu, mais une pyrolyse, l’avenir de cet espace de médiation est menacé. « Si on ne peut pas montrer l’activité comme on le faisait depuis plus de vingt ans, ce projet a moins de sens. C’est aberrant ce qui nous arrive. La préfecture a instruit le dossier de l’espace de médiation et en même temps, elle interdit l’allumage des meules », regrette le président de l’association, dont les réserves financières sont pour l’instant suffisantes pour assumer sa participation financière au projet.

Le délai de réalisation fixé par l’AMI de la CEA est de trois ans. Mais les crédits FNADT imposent que la structure soit achevée au 1er avril 2025. Le permis de construire devrait être déposé en février, mais l’association décidera si elle concrétisera ou non le projet lorsqu’elle aura eu la réponse de la préfecture concernant l’allumage estival des meules.

Les charbonniers pourront s’appuyer sur leur réserve de 60 stères pour monter leurs meules l’été prochain,
si la préfecture les autorise à nouveau à les faire fumer

texte et photos : Véronique Kohler – DNA