Julia, 45 ans, de Francfort-sur-le-Main, a découvert la Semaine des charbonniers il y a trois ans. Elle s’est prise de passion pour cette tradition et revient depuis chaque année, n’hésitant pas à passer quelques heures la nuit à surveiller la meule.
Julia (à gauche) a appris à aimer la semaine des charbonniers de Lembach grâce à Hubert Kettering (au centre), l’un des membres de l’association qui l’a « contaminée ». Cette année, elle a pu assister à l’intronisation de la deuxième Köhlerliesl européenne, Amélie Leflaec (à droite).
La première fois que Julia est venue en Alsace du Nord, c’était en 2009 ou 2010 à l’occasion de son anniversaire. « Je voulais aller à Lembach, mais à l’époque, je n’avais pas de GPS et le numéro des routes ne collait pas avec ma carte. C’était le soir, je n’avais pas mangé, je me suis perdue en voiture et je suis arrivée à Hunspach. En voyant toutes ces maisons blanches à colombages, c’est comme si j’avais fait un retour dans le temps, si ce n’est la présence des voitures dans les rues ! Chez nous, les maisons à colombages ont été détruites pendant la guerre », rapporte cette habitante de Francfort-sur-le-Main.
Si elle avait dans sa jeunesse participé à des voyages scolaires à Colmar et à Strasbourg, elle revient plus souvent en Alsace depuis quelques années, et plus spécifiquement en Alsace du Nord. « L’an dernier, je suis venue une bonne demi-douzaine de fois », compte-t-elle.
« La fumée prend différentes formes, et sa couleur permet de savoir à quelle étape de la carbonisation on est : c’est fascinant »
Il y a trois ans, elle a découvert la Semaine des charbonniers au pied du château fort de Fleckenstein à Lembach. « J’ai parlé avec Hubert Kettering [l’un des charbonniers] : il m’a tout expliqué, la tradition, le village de Disteldorf (*), la vie des charbonniers. Il m’a “contaminée” ! », résume-t-elle.
Depuis, elle y revient chaque été pour une semaine, et n’hésite pas à surveiller les meules avec l’équipe de nuit. « Huit heures, c’est vraiment long. Mais je suis déjà restée jusqu’à 4 h du matin. C’est le plus beau : être à trois ou quatre personnes autour du feu pour se réchauffer, entendre les hiboux ou les chouettes. Une fois, on a même entendu un grand-duc ! », sourit Julia, qui a déjà vu la meule sauter et en a été impressionnée — par fort vent, les gaz restent à l’intérieur de la meule qui chauffe à 111° C, et s’échappent avec un fort bruit et un tremblement ; il faut alors mettre de la terre pour colmater les fissures et éviter que la meule ne prenne feu. La quadragénaire allemande peut également rester de longues minutes à regarder la fumée s’échapper des meules. « C’est fascinant, la fumée prend différentes formes. Et la couleur permet de savoir à quelle étape de la carbonisation on est. C’est beau. »
De nombreux châteaux forts visités
Passionnée, Julia a visité tout ce qui était en rapport avec l’histoire des charbonniers : le village de Disteldorf, les anciennes forges à Jaegerthal, le Musée du fer à Reichshoffen, le musée Lalique à Wingen-sur-Moder et la verrerie de Meisenthal (qui avaient aussi besoin du charbon)… « Sans charbon, la civilisation aurait difficilement pu aller de l’avant », s’est-elle rendu compte.
Cette « femme de la nature », comme elle se définit, a également découvert une bonne quinzaine de ruines de châteaux forts, grâce à un dépliant de l’office de tourisme. « Après avoir vu le Fleckenstein, je pensais que j’avais vu l’essentiel, d’autant que les autres sont en ruines. Mais en fait, chaque château a sa spécificité. Le Wasigenstein, par exemple, est complexe, la vue est superbe. Le Nouveau Windstein est mon préféré. Ce que j’aime quand je vais voir un château, c’est cueillir des plantes sauvages — elle les connaît par cœur —, observer les papillons, les lézards, écouter le chant des oiseaux… »
Ce qu’elle apprécie également, lors de ses séjours, c’est qu’« en Alsace, tout le monde dit bonjour, et avec un grand sourire. Au départ, ça m’a surprise, puis je me suis habituée. C’est agréable. »
De Wissembourg à Haguenau, Julia a déjà bien vadrouillé : Sturzelbronn, Niederbronn et son musée, Hunspach et Seebach, un peu d’Alsace bossue aussi. Seule la ligne Maginot ne l’intéresse pas. « Ce que j’aime, c’est que la tradition est vivante. La Streisselhochzeit, on dirait un musée à ciel ouvert, mais vivant, comme autrefois. Ça me fascine », confie-t-elle.
Membre de la famille des charbonniers
Ce qui est sûr, c’est que l’an prochain à nouveau, Julia sera fidèle au rendez-vous de la Semaine des charbonniers. « Charles Schlosser [le président de l’association] a trouvé inhabituel qu’une femme s’intéresse aux charbonniers, rapporte-t-elle. Il m’a même dit que je ne suis plus une touriste, mais que je fais partie de la famille ! »
(*) Disteldorf était situé au cœur du massif forestier du Kraehberg, non loin de la verrerie de Mattstall. Des charbonniers et bûcherons s’y sont installés au début du XVIIIe siècle, produisant du charbon pour De Dietrich ou allant travailler dans les forêts allemandes.
source : Véronique Kohler