Une meule à Nancy

Du 23 au 29 avril, une équipe de l’association des Charbonniers du Fleckenstein de Lembach a monté une meule et produit quelque 600 kg de charbon de bois dans le magnifique Jardin conservatoire et botanique Jean-Marie-Pelt à Villers-Lès-Nancy.

Cette aventure fait suite à une rencontre au Fleckenstein entre le président de l’association lembachoise Charles Schlosser et le professeur Vincent Robin, durant la Semaine des charbonniers 2017 qui accueillait aussi le 11e congrès des Charbonniers d’Europe.

Le Pr Robin, maître de conférences à l’Université de Lorraine, participe à une étude scientifique mêlant histoire, géologie et archéologie minière sur l’Est de la France. Une des tâches actuelles de son équipe est la datation de charbonnières, afin de savoir depuis quand le site sert à la carbonisation du bois.

Une meule de huit stères

Vu que les charbonniers du Fleckenstein sont les seuls dans la région à encore maîtriser cette technique et que dans les Vosges du Nord, en particulier au Thalenberg, on a identifié de nombreuses charbonnières, le pas d’une collaboration a rapidement été franchi. L’intérêt est d’acquérir de plus amples connaissances sur la carbonisation du bois à travers les âges, et de disposer d’une référence de base, à savoir l’impact sur le sol avant et après la première utilisation d’une charbonnière. À Nancy, les chercheurs ont ainsi fait des prélèvements de sol, avant et après cette première meule dressée par les bénévoles nord-alsaciens.

En février, trois charbonniers s’étaient rendus sur place pour s’entretenir avec les responsables du parc, choisir l’emplacement et définir les besoins. Tôt le lundi matin, les cinq membres venus monter la meule ont eu la surprise de trouver sur place une bonne dizaine de stères de bois de frêne — fendu ou en « chàrbonettle » (petits rondins) —, une citerne d’eau, deux remorques de mottes et du broyat pour la couverture.

Durant les sept jours de leur présence, le chef jardinier, l’ingénieur-projet François Vallance, a été aux petits soins des charbonniers. Le personnel du jardin (47 personnes), avide de savoir, passait régulièrement sur le site, n’hésitant pas à donner un coup de main.

Ainsi, une meule de huit stères a été montée dans la matinée et allumée dès 14 h, avec le traditionnel cérémoniel. Devant un parterre de journalistes (télé et presse écrite), de scientifiques et de curieux, le président des Charbonniers du Fleckenstein Charles Schlosser a fait monter sur la meule la directrice adjointe du jardin, Katia Astafieff, qui a été intronisée marraine et l’a ensuite baptisée en y versant un verre de schnaps — non sans l’avoir goûté au préalable — pendant que Bernard Spill jouait l’hymne des charbonniers du Fleckenstein sur son cor d’harmonie.

L’invitée surprise arrivée en pleine cérémonie, une énorme averse, n’a nullement perturbé les acteurs. L’équipe des charbonniers, trempée jusqu’aux os, s’est vue offrir des vêtements secs par la direction du jardin, offrant alors le spectacle insolite de s’activer avec leur « Kohlebrannerkapel » sur la tête et un blouson « Conservatoire et Jardin botanique de Nancy » sur le dos.

Un vif intérêt médiatique

À l’exception de deux caprices de Katia (la meule) au cours des deux premières nuits, à chaque fois à 3 h du matin, la carbonisation s’est déroulée normalement, et la meule a pu être ouverte dès le samedi pour récolter le premier charbon de bois. Son extraction s’est étalée jusqu’au dimanche après-midi. À grand renfort de publicité, la direction du jardin avait convié les visiteurs à se munir de paniers ou de sacs, chacun se voyant offrir deux seaux de charbon de bois.

Durant toute la semaine, pendant les heures d’ouverture du parc, les Kohlebranner, installés à flanc de colline près des rhododendrons en fleurs avec une vue panoramique sur Nancy, n’ont cessé de dispenser des explications. Au public, pour qui c’était une nouveauté, mais aussi à de nombreux médias tout au long du processus : France 3 Lorraine, France Bleu, Durablement vôtre (qui travaille pour 14 radios locales du Grand Est), Le Républicain Lorrain, L’Est Républicain et plusieurs rédacteurs de revues scientifiques.

Le parc jouxtant la cité universitaire et des institutions de recherche comme le CNRS, les chercheurs et professeurs n’ont pas été en reste. Les charbonniers ont été surpris du succès de cette escapade en Lorraine, et les responsables du parc ont été enchantés. Vincent Robin était franchement emballé en voyant le résultat du modeste travail des Kohlebranner — on ne devrait pas tarder à revoir le maître de conférences à Lembach !

texte et photos : HUB.K

Dans les médias : Les charbonniers du Fleckenstein au jardin botanique de Villers : (Article et reportage FRANCE 3 Grand-Est du 25/04/2018)